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Lettre ouverte au Ministre de l'Éducation nationale

 Monsieur le Ministre,


Notre lycée, le Lycée Autogéré de Paris, est l'un des rares établissements publics alternatifs offrant aux élèves, qui ne peuvent ou ne veulent pas poursuivre leur scolarité au sein de l'enseignement traditionnel, une solution adaptée à leur parcours et au rythme de leurs apprentissages. C'est à ce titre que nous avons obtenu la possibilité d'adapter la réforme du baccalauréat à la spécificité des élèves que nous accompagnons, en choisissant de leur éviter la pression des épreuves intermédiaires qui jalonnent désormais les années de Première et de Terminale des lycéens et des lycéennes. C'est à ce titre, donc, que nos élèves se sont vu attribuer le statut de candidats individuels, alors même qu'ils sont scolarisés dans un établissement public. C'est une solution qui nous est apparue, comme à vous, garante de l'égalité de traitement au sein du service public d'éducation, dans le respect des spécificités de chacun et de chacune.


Cette année, en raison du contexte sanitaire, les épreuves sur table du baccalauréat qui devaient se dérouler avant le mois de juin ont été annulées pour tous les élèves scolarisés dans des établissements publics, au profit d'une évaluation effectuée uniquement en contrôle continu pour les disciplines concernées – c'est-à-dire toutes les disciplines, à l'exception du Français en Première et de la Philosophie et du Grand Oral en Terminale.

Pourtant, cet aménagement des épreuves du baccalauréat, jugé indispensable en raison des conditions d'apprentissage dégradées que tous les élèves scolarisés ont subies cette année, a été réfusé à nos élèves. Ainsi, ils seraient parmi les seuls élèves en France à être des candidats scolarisés en établissement public et à devoir passer toutes leurs épreuves sur table, comme si de rien n'était.


Nous avons alerté à maintes reprises vos services sur l'injustice flagrante que représente cette situation. En vain. Nous nous heurtons à une injonction indéfiniment renouvelée : il faut s'adapter, il faut rentrer dans les cases - ces mêmes cases qui ont jusque-là conduit nos élèves à l'échec, à la rupture ou au refus.

Être candidat "scolaire", comme dans un établissement public traditionnel, ou "individuel", comme dans un établissement privé hors contrat, un organisme d'enseignement à distance ou à la maison, il n'y a pas d'autre alternative, nous répond-on, quand nous voulons justement proposer une alternative viable au sein du service public d'éducation.

L'expérimentation, la liberté pédagogique, est-elle encore possible au sein de l'Éducation nationale ? Telle est aujourd'hui la question que nous vous posons : nous pensons, comme l'ensemble de nos collègues et des élèves de l'enseignement public, qu'elle est essentielle.


En réalité, c'est une double injustice que nos élèves ont cette année à subir :


- la première, c'est celle qui consiste à imposer à ces élèves inscrits dans un établissement alternatif public, justement conçu pour leur permettre de passer le même baccalauréat que les autres dans des conditions adaptées à leur parcours, à être parmi les seuls en France à passer cet examen qui sanctionne l'ensemble de leurs années de lycée sous sa forme la plus rigide, et ce, dans un contexte de pandémie internationale ;


- la seconde en est un corollaire : comme dans de nombreux lycées publics de France, l'épidémie de Covid a entraîné des absences longues de professeurs, qui n'ont pas pu être remplacées comme il se devrait pour assurer un enseignement continu sur l'ensemble de l'année. Au Lycée Autogéré, c'est notamment un professeur de Musique qui nous a manqué pendant huit semaines pour assurer l'enseignement de Spécialité en Première et en Terminale. Si bien que nos élèves de Première et de Terminale présentant la spécialité Musique au baccalauréat vont devoir se présenter à une épreuve finale déterminante pour leur réussite (coefficient 16 en Terminale) sans avoir pu bénéficier de l'enseignement nécessaire à sa préparation.

Cette situation inacceptable, encore aggravée par la mise en place de l'enseignement à distance à quelques semaines des épreuves du bac, est le fruit d'une pénurie organisée, mais encore d'une politique de sélection et de hiérarchisation des enseignements et des élèves : ainsi nous a-t-on fait savoir, lorsque nous avons voulu faire valoir le droit de nos élèves musiciens, que désormais "On ne remplace pas les profs de musique !"...

Face à notre détermination, après une lutte qui n'aurait pas dû avoir lieu et qui a mobilisé beaucoup de temps et d'énergie, le Rectorat de Paris nous a finalement "accordé" six heures hebdomadaires de remplacement en Musique en Terminale pour une période de deux mois. Pour l'autre partie des heures manquantes, en classe de Première, on nous a proposé un remplacement effectué au titre de "vacations" – ce qui est rigoureusement interdit, les vacations étant réservées aux artistes intervenant en milieu scolaire...

Ainsi, l'État se met hors la loi en préférant demander à un professeur d'effectuer des vacations plutôt que de le recruter sous le statut de contractuel : sans doute les centaines de milliers d'euros "excédentaires" par rapport au budget initialement prévu pour l'Éducation Nationale ont-ils été rendus faute de besoins réels ou jugés "prioritaires" ?


Face à cette situation intolérable, nous demandons de toute urgence :

    Que nos élèves de Terminale passant le baccalauréat puissent bénéficier cette année comme tous les autres élèves des lycées publics de France d'une notation en contrôle continu.

    Que nos élèves de Spécialité musique, en Première et en Terminale, soient dispensés d'épreuve finale, l’Éducation Nationale n'ayant pas assuré la majeure partie des cours cette année en ne remplaçant pas le professeur absent.

    Que l'attribution des moyens financiers et humains nécessaires pour assurer tous les cours, notamment en situation de remplacement, redevienne la règle dans tous les établissements, car il n'est plus possible que le service public d'éducation ne soit qu'une variable d'ajustement du budget gouvernemental.


En espérant que vous saurez répondre à ces demandes, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de notre engagement pour l'expérimentation et la liberté pédagogiques dans le respect de l'égalité garantie par le service public.


L'équipe enseignante du Lycée Autogéré de Paris


En version pdf téléchargeable ICI 






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